Coup d'Etat: Biden annonce des sanctions
Biden annonce des sanctions, la mobilisation se poursuit
Le président américain Joe Biden a annoncé mercredi des sanctions contre la junte militaire qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi. La mobilisation des Birmans dans la rue se poursuit en dépit de l'interdiction de se rassembler.
"Aujourd'hui, j'appelle une nouvelle fois l'armée birmane à libérer immédiatement tous les dirigeants politiques élus démocratiquement, dont Aung San Suu Kyi", a lancé M. Biden dans une brève allocution depuis la Maison Blanche. "L'armée doit rendre le pouvoir", a-t-il martelé, annonçant le rétablissement de sanctions après la levée progressive de ces dernières au cours de la décennie écoulée, après la libération d'Aung San Suu Kyi en 2010 et un début de démocratisation.
Annonçant voir signé un décret permettant de sanctionner "immédiatement" les responsables militaires qui ont organisé le coup d'Etat du 1er février ainsi que leur famille proche, il a précisé qu'une première série de cibles seraient identifiées cette semaine.
L'ouverture du pays asiatique après des années de fermeture avait été considérée comme un succès diplomatique majeur de l'ex-président Barack Obama, dont Joe Biden fut le bras droit pendant huit ans. Le nouveau locataire de la Maison Blanche a aussi annoncé le gel des avoirs américains qui bénéficient aux généraux, tout en maintenant l'aide dans le domaine de la santé et tout "ce qui bénéficie directement au peuple birman".
Mercredi, les Birmans sont descendus par dizaines de milliers dans la rue pour le cinquième jour consécutif, au lendemain d'un raid nocturne de l'armée contre le siège du parti d'Aung San Suu Kyi. "Nous ferons tout pour rejeter le gouvernement militaire", a déclaré à l'AFP Kyaw Kyaw, un employé d'hôtel rencontré dans un cortège à Rangoun, où la mobilisation a été la plus forte mercredi, malgré l'interdiction.
"Nous ne voulons pas rester sous la dictature. J'ai aussi un peu peur après la répression d'hier", a déclaré Khin Nyein Wai, un étudiant. Une manifestation réunissant plusieurs milliers de personnes a également eu lieu à Naypyidaw, la capitale administrative de la Birmanie, dans le centre du pays. Dans la ville de Loikaw, dans l'Etat de Kayah (Est), des policiers se sont joints à la manifestation, selon des médias locaux.
Les manifestations se sont déroulées dans le calme, alors que la veille la répression était montée d'un cran avec l'utilisation par les forces de l'ordre de balles en caoutchouc et de canons à eau à Naypyidaw et Mandalay (centre) contre les manifestants.
Le rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie, Tom Andrews, a condamné l'usage de la force, et assuré que la police avait tiré sur une jeune femme à Naypyidaw, la blessant. Les images de cette action ont été massivement partagées sur les réseaux sociaux. "Ils peuvent tirer sur une jeune femme, mais ils ne peuvent pas voler l'espoir et la détermination d'un peuple", a écrit l'envoyé des droits de l'homme. "Le monde est solidaire des manifestants de Birmanie". L'Organisation internationale du travail (OIT) s'est également dite très inquiète et a demandé le rétablissement de l'ordre démocratique et du régime civil.
Les militaires ont par ailleurs porté un nouveau coup à la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'Aung San Suu Kyi, en menant un raid mardi soir contre les locaux de la formation à Rangoun. Un membre de la LND, Soe Win, a déclaré à l'AFP qu'un gardien avait vu le raid mené par les forces de sécurité via un système de vidéosurveillance à distance, mais qu'il n'avait pas pu intervenir en raison du couvre-feu.
Les autorités ont interdit depuis lundi soir les rassemblements de plus de cinq personnes à Rangoun, Napypidaw et dans d'autres villes. Un couvre-feu a été décrété et les manifestants se sont dispersés en début de soirée.
Ces derniers jours, des centaines de milliers de manifestants ont défilé à travers le pays, réclamant la libération des personnes détenues, la fin de la dictature et l'abolition de la constitution de 2008, très favorable à l'armée. Depuis le coup d'Etat le 1er février, le nombre de personnes arrêtées a atteint 190, selon une ONG d'aide aux prisonniers politiques.
Ce vent de contestation est inédit depuis le soulèvement populaire de 2007, la "Révolution de safran" menée par les moines et violemment réprimée par les militaires. Le risque de répression est réel dans le pays qui a déjà vécu près de 50 ans sous le joug des militaires depuis son indépendance en 1948.
L'armée conteste la régularité des législatives de novembre, remportées massivement par la LND. Mais des observateurs internationaux n'ont pas constaté de problèmes majeurs lors de ce scrutin. En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire d'Aung San Suu Kyi, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution.
Très critiquée il y a encore peu par la communauté internationale pour sa passivité lors des exactions contre les musulmans rohingyas, la prix Nobel de la paix, en résidence surveillée pendant 15 ans pour son opposition à la junte, reste adulée dans son pays. L'ex-dirigeante serait "en bonne santé", assignée à résidence à Naypyidaw, d'après son parti.