Birmanie: l'expert onusien parle de "fraude" électorale par avance
Le rapporteur spécial de l'ONU sur la Birmanie Thomas Andrews dénonce par avance une "fraude" dans les élections annoncées par le régime militaire dans ce pays. Il a aussi dit jeudi à Genève s'attendre à "des flux massifs de réfugiés si la situation continue".
"Vous ne pouvez avoir d'élections libres et équitables" lorsque les opposants sont "détenus" et "exécutés", a affirmé à la presse le rapporteur spécial, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU. Le scrutin sera "faux".
L'armée, qui dirige le pays depuis son coup d'Etat de février 2021, souhaite organiser des élections dans un an et a annoncé une réforme du système électoral. Les Etats-Unis ont dénoncé cette approche.
Le régime militaire "ne se maintiendra pas au pouvoir légitimement" mais "par la force", selon M. Andrews. "Ce gang criminel a pris en otage la population et ses dirigeants", ajoute-t-il. Il met en garde tous ceux qui apporteraient un soutien dans l'organisation du scrutin.
De même, il affirme que les pays voisins de la Birmanie "sont ceux qui font face aux plus grands défis" face aux effets du coup d'Etat, a affirmé le rapporteur spécial. Il n'est pas dans leur intérêt de soutenir le régime, ajoute l'Américain, après avoir déploré dans un rapport récent les ventes d'armes chinoises. Ces dernières années, environ un million de Rohingyas se sont déjà réfugiés dans la région.
Chaque jour, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre sont perpétrés, dit-il depuis des mois. Or, les différents Etats qui déclarent leur soutien à la population ne prennent aucune initiative concrète, appelant à nouveau à une "coalition" et à ses sanctions financières similaires à celles contre la Russie.
Les Birmans voient la différence de l'attitude internationale face aux atrocités chez eux et face à la guerre en Ukraine, insiste le rapporteur spécial. Tant que cette situation se poursuit, "il est inévitable" que les violations continuent. Et de dénoncer à nouveau la "frustration" du blocage du Conseil de sécurité de l'ONU qui n'exonère pas pour autant d'une réaction internationale.
Egalement jeudi à Genève, devant le Conseil des droits de l'homme, la Haute commissaire provisoire de l'ONU Nada al-Nashif a affirmé de son côté que "davantage peut être fait" pour limiter les ressources financières et militaires du régime. Même si certaines entreprises birmanes et d'autres pays ont interrompu tout lien avec des groupes dont l'armée est propriétaire.
Souhaitant elle aussi des initiatives communes, Mme al-Nashif appelle à davantage de sanctions ciblées contre les activités qui facilitent l'accès des militaires aux financements de leurs activités. Elle veut une investigation sur un possible crime de guerre de "pillages" dans l'Etat de Kachin au profit d'alliés du régime.
Outre la Chine, la Russie et la Serbie ont livré des armes depuis le coup d'Etat. En un an et demi, près de 2300 civils au total ont été tués et plus de 15'000 arrêtés. L'ONU a encore parlé à plusieurs reprises de possibles "crimes contre l'humanité" et "crimes de guerre".
Un million de personnes ont été déplacées et des dizaines de milliers de maisons ont été brûlées. Des personnes ont fait état d'actes de torture présumés. Au total, des milliers d'opposants resteraient détenus. La pauvreté a elle été multipliée par deux depuis le début du coup d'Etat, a encore affirmé jeudi l'ONU.