Le berger instragrammeur, qui veille coupé du monde sur des moutons à nez noir

Le rendez-vous téléphonique avec Mathieu Gex avait été très spécifiquement arrêté pour que le berger puisse se placer dans un lieu couvert par le réseau. Il faut dire que l’alpage de Bru est coupé du monde. Il se situe au-dessus du village de Selkingen, dans la vallée de Conches. «Il n'y a absolument aucun accès routier. Le matériel est monté en début de saison par hélicoptère. Il faut compter 3 heures de marche et 1'100 mètres de dénivelé pour arriver à l’alpage», indique Mathieu Gex, comme pour planter le décor. Le berger, originaire de Vérossaz, veille tout l’été sur quelque 250 moutons à nez noir. «Ça reste un assez petit troupeau par rapport à d’autres troupeaux qu’on peut croiser dans le Val Ferret où ils sont plutôt 800 à mille bêtes», explique modestement Mathieu Gex. Les moutons à nez noir, un désir ? «Non, c’est un hasard. Aujourd’hui, c’est devenu une passion. Ce sont des animaux assez tranquilles, rustiques et attachants.»

Un néophyte autodidacte

Il y a trois ans, Mathieu Gex n’avait encore jamais exercé la profession de berger. Mais un accident de la vie est venu réorienter sa carrière. «J’ai toujours gardé en moi cette idée de passer un jour l’été en montagne. J’ai eu un accident assez grave, qui m’a permis de remettre en perspective mes priorités et je me suis lancé.» Avec une certaine assurance et du culot, avoue-t-il, le Chablaisien a contacté un éleveur haut-valaisan. «Je lui ai déposé ma candidature. Je lui ai dit que je n’avais pas d’expériences, peu de connaissance des moutons mais de la motivation et une certaine connaissance de la montagne. Il m’a fait confiance et aujourd’hui ça se passe bien», se réjouit le Véroffiard.

Après une première année d’expérience à l’alpage de Bru, Mathieu Gex a suivi une formation de berger, dispensée par l’Ecole d’agriculture de Châteauneuf. «La formation est venue compléter ce que j’avais expérimenté sur l’alpage durant la première année et aussi perfectionner mes connaissances sur les moutons de manière générale».

Des photos à couper le souffle

Sur place durant tout l’été, Mathieu Gex reçoit quelques fois la visite de ses proches et des éleveurs, qui viennent voir leurs bêtes. Le reste du temps, c’est seul qu’il passe ses journées. «Ma plus longue période tout seul, c’est trois semaines», précise le berger bas-valaisan. Forcément, seul sur place, éloigné de toute vie humaine, Mathieu Gex vit des moments hors du temps. «Je rencontre très régulièrement le gypaète barbu, qui vole à environ dix mètres autour de moi. Il y a des anecdotes moins drôles quand une bête est blessée, coincée entre des pierres, la patte cassée. On doit faire face à ces moments-là et ce n’est pas toujours évident quand on est seul, surtout si on rajoute à ça, des conditions climatiques catastrophiques. On peut avoir du brouillard, de la pluie et même de la neige.»

Mathieu Gex est aussi photographe. Il partage son quotidien et celui de ses moutons à nez noir sur le compte Instagram : nez.noir