Des reggeamans à la peau blanche accusés d'appropriation culturelle
Faut-il avoir la peau noire pour chanter du reggae ? Accusés d’appropriation culturelle, le groupe de musiciens blancs à dreadlocks Lauwarm a récemment vu plusieurs de ses concerts annulés. Entre culture, politique et censure, le curseur est parfois difficile à poser.
Faut-il avoir la peau noire pour chanter du blues et les cheveux blonds pour hurler du blackmetal norvégien ? La question prend encore de l’ampleur depuis quelques jours. En cause : l’annulation de plusieurs concerts du groupe de reggae Lauwarm, du côté de la Suisse alémanique. Avec leur peau blanche et leurs dreadlocks, les musiciens ont été accusés d’appropriation culturelle par une partie du public. Conséquence : à deux reprises, des programmateurs ont préféré ne pas prendre part à la controverse en décommandant le groupe.
Interrogée, la cheffe de la culture valaisanne Anne-Catherine Sutermeister veut faire preuve de pragmatisme. "Dans ce cas précis, il s'agit surtout de prendre du recul, pour savoir s'il y a vraiment eu abus de pouvoir ou manque de respect, ou s'il s'agit simplement d'une prestation musicale interprétée par des artistes à la peau blanche."
Eviter la censure inutile
L’appropriation culturelle, c’est donc l’adoption par un groupe social de codes d’une culture ne lui appartenant pas. Plus qu'un débat culturel, il s'agit surtout d'un débat politique. De sa carrière dans le domaine artistique Anne-Catherine Sutermeister reconnait que la thématique est assez moderne et de plus en plus abordée. "Le curseur peut être difficile à placer entre liberté d'expression et respect des sensibilités. Surtout pour les organisateurs de manifestations".
Frileux, certains préfèrent éviter le boycotte du public, ou un dégât d'image. Une crainte que la cheffe de la culture valaisanne peut comprendre, mais elle appelle les initiateurs à ouvrir le débat un maximum pour éviter la censure inutile et abusive. "De plus en plus de festival accompagnent ce type d'événements qui suscitent la controverse de discussions, de films et d'échanges."
"On ne m'a jamais reproché ma couleur de peau"
Le Valais compte en tout cas un reggaeman à la peau blanche. Bastien se produit sur scène depuis des années avec son groupe Timanfaya. "J'ai été vraiment surpris en lisant la presse", avoue l'artiste. "En Suisse et en 2022, ça m'impressionne. Le partage de la musique se fait depuis la nuit des temps. Il n'y a pas besoin d'une quelconque couleur de peau ou origine pour en jouer."
Si Bastien se présente aujourd'hui avec les cheveux coupés courts, il a longtemps arboré ses dreadlocks et jamais on ne lui a reproché ses origines ethniques. "Il y a deux poids, deux mesures", estime-t-il. "Quand on manque de respect à une communauté, c'est normal de se révolter. Mais là, il s'agit simplement de musique, j'estime qu'on peut être plus souples."