Personnes en situation de handicap: leurs droits politiques au coeur des discussions
L'accès à la vie politique des personnes en situation de handicap était au coeur des discussions ce jeudi à Sion, à l'occasion du quatrième Forum Handicap Valais. Experts et personnalités politiques demandent une adaptation du cadre légal valaisan. La Constituante semble aller dans ce sens.
La question fait débat dans plusieurs cantons. Elle était au coeur des discussions ce jeudi à Sion, à l'occasion du Forum annuel sur les droits des personnes en situation de handicap.
Les personnes handicapées rencontrent en effet de nombreux obstacles dans l'accès à la vie politique. Certaines sont privées de droits politiques, alors que d'autres n'ont pas accès aux informations ou au matériel de vote. Enfin, plusieurs d'entre elles ne pourraient tout simplement pas exprimer leur voix de façon autonome.
1'000 citoyens privés du droit de vote
La participation politique des personnes en situation de handicap fait actuellement débat sous la Coupole et dans plusieurs cantons. En Suisse, les personnes sous curatelle sont aujourd'hui encore souvent privées de leurs droits politiques, ce qui est contraire à la Convention de l'ONU. Genève est le premier canton à avoir modifié sa Constitution pour enlever ces restrictions et les portes s'ouvrent également au niveau fédéral. Dans notre canton, c'est la loi cantonale sur les droits politiques, qui exclut ces personnes avec handicap intellectuel ou psychique. Et cela doit changer, selon Olivier Musy, directeur Emera conseil social. «En Valais, on a actuellement environ 1'000 personnes qui sont placées sous curatelle, et qui sont de fait privées de la possibilité de voter et d'être élues.»
«Nous demandons clairement une adaptation du cadre légal valaisan.» Olivier Musy, directeur Emera Conseil social
Le forum qui s'est tenu ce jeudi en ligne visait également à interpeler le Valais sur cette question. «Nous demandons clairement une adaptation du cadre légal valaisan, pour qu'il soit mis en conformité avec l'exigence de la Convention de l'ONU», ajoute Olivier Musy. «C'est-à-dire qu'on n'ait plus aucune personne en situation de handicap, qui se voit retirer ses droits politiques. Ce n'est pas acceptable moralement, philosophiquement et juridiquement.» Selon Olivier Musy, «on peut très bien ne pas avoir la possibilité de gérer ses affaires privées, mais pour autant être tout à fait capable de se forger une opinion politique sur un sujet ou un autre.»
Avancée du côté de la Constituante
Cela pourrait changer à l'avenir. Le mois dernier, Alain Léger, membre de la Constituante, a soutenu l'article 301.05, qui stipule que "la loi ne peut restreindre la titularisation des droits politiques". Lors de la première lecture, 56,9% des constituants ont accepté de redonner ce droit, qui concerne également les personnes en situation de handicap, et plus particulièrement celles qui ont une mesure de curatelle de portée générale. Reste maintenant à attendre la deuxième lecture prévue en automne 2022. En cas d'amendement, le plénum devra à nouveau se pencher sur la question.
Obstacles encore nombreux
D’autres obstacles entravent la participation politique des personnes en situation de handicap, comme la compréhension des informations liées aux scrutins, la possibilité de remplir son bulletin de vote de façon autonome, ou encore de se faire élire. Pierre Margot-Cattin, professeur à la Haute école de travail social de la HES-SO Valais-Wallis, était un des invités de ce forum. Il est lui-même en situation de handicap et siège au niveau de législatif communal. Selon lui, les représentations sociales du handicap sont aujourd'hui encore un obstacle à la participation à la vie politique et publique.
«En matière d'éligibilité, j'ai surtout l'impression d'être considéré comme le "handicapé incapable".» Pierre Margot-Cattin, professeur à la Haute école de travail social de la HES-SO Valais-Wallis
Lui-même en fauteuil roulant électrique et élu dans un exécutif communal, il en a fait l'expérience. «Je suis déjà confronté à des obstacles architecturaux pour pouvoir exprimer mes votes: pas évident d'écrire ou d'aller mettre une enveloppe dans une boîte aux lettres qui est trop haute, par exemple. Mais j'ai surtout l'impression, en matière d'éligibilité, d'être considéré comme le "handicapé incapable". Donc quelqu'un qui bien entendu ne peut pas, en raison de son handicap, assumer des fonctions à responsabilités.» Selon lui, les représentations sociales du handicap sont un obstacle à la vie politique.
A l’issue du forum, les intervenants ont rappelé que pour faire évoluer les choses, une adaptation du cadre légal est indispensable en Valais. Concrètement selon Olivier Musy, cela signifie «la suppression de l'article qui restreint les droits politiques de ces personnes, dans la loi cantonale sur les droits politiques. Et nous espérons que dans la Constitution un article va justement interdire la possibilité de restreindre ces droits politiques pour les personnes que nous accompagnons.» Ce pourrait être chose faite d'ici la fin de l'année prochaine.