Nouvelle formation en boulangerie-pâtisserie: la recette ne fait pas l'unanimité

Diana-Alice Ramsauer
Journaliste RP

Le nombre d’apprentis en boulangerie-pâtisserie se réduit d’année en année. Pour attirer les jeunes, une nouvelle formation verra le jour à la rentrée prochaine. Une formule qui ne convainc pas tout le monde. Certains formateurs se disent inquiets.

Le Valais lance une nouvelle filière de formation dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie afin d'encourager la relève. Cette formule, qui doit faciliter la transition entre école obligatoire et monde du travail, répond aussi aux difficultés rencontrées par les formateurs de la branche.

"On a perdu environ 20 % de jeunes dans les formations liées aux métiers de la bouche durant les six dernières années", indique jeudi devant la presse Tanja Fux, cheffe du service de la formation professionnelle. Et le secteur de la boulangerie ne fait pas exception.

Actuellement, les apprentis en boulangerie suivent un cursus de trois ans en entreprise, comprenant un jour de cours par semaine. La nouvelle version leur propose un apprentissage dual mixte: les élèves passent d'abord une année en école des métiers à l'Ecole professionnelle commerciale et artisanale de Sion (EPCA) puis deux ans en entreprise, avec là aussi des cours hebdomadaires à l'école professionnelle.

Rassurer et préparer

"Cela permet de passer en douceur de la fin de l'école obligatoire à l'entrée dans le monde du travail", explique Catherine Mabillard, cheffe de section Alimentation au sein de l'EPCA. Le cursus de première année alterne cours théoriques et ateliers pratiques. Il comprend également deux stages de quatre semaines en entreprise.

Cette première année permet non seulement de rassurer le jeune, mais aussi ses parents, relève encore Tanja Fux, soulignant les horaires nocturnes auxquels doit se soumettre une apprentie ou un apprenti en boulangerie. Elle permet aussi de protéger l'apprenti en lien avec le travail de nuit.

Certains apprentis ont parfois tout juste 15 ans lors de leur première année et sont donc soumis à des règles plus strictes en matière de travail nocturne. Ils ne peuvent, par exemple, pas commencer avant 6h00 du matin.

Des conditions de travail parfois illégales

"C'est un problème, car le boulot se fait avant", explique Alphonse Pellet, commissaire de branche et lui-même boulanger-pâtissier. Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur le travail de nuit, les formateurs font au mieux pour trouver une solution et organiser un planning différent pour les plus jeunes. Il admet pourtant: certaines entreprises ne respectent pas les règles et confrontent leurs apprentis, mineurs, à des horaires illégaux.

Mais cette nouvelle formule d’apprentissage dual mixte ne convainc pas tout le monde. Le boulanger Nicolas Taillens, qui emploie six apprentis cette année sur un total de 45 collaborateurs, craint que les jeunes ne soient pas assez rapidement confrontés à la réalité du terrain. "Ils ne connaîtront pas, dès le début, le fait de se lever tôt, ni celui du stresse de la production, encore moins celui de devoir tenir des délais. C'est un rythme, c'est une routine et clairement, cela ne peut pas s'apprendre à l'école."

"C'est un rythme, c'est une routine et clairement, cela ne peut pas s'apprendre à l'école."

Nicolas Taillens, boulanger et patron d'une entreprise formatrice

Garer des jeunes pendant une année avant de les lancer dans le bain professionnel, dit-il, c’est punir les apprentis et les formateurs qui ont joué le jeu en matière de restrictions légales, jusqu’à présent. Tout cela à cause d’une poignée de patrons qui n’ont pas suivi les règles. Le boulanger de Crans-Montana craint pour la qualité de la formation et regrette de ne pas avoir été consulté avant la mise en place de cette formule.

Une formation lancée en quelques mois

Alphonse Pellet admet que ces cours ont été mis sur pied extrêmement rapidement et que tous les professionnels n'ont pas pu, dans un premier temps, être contactés et informés. "Toute nouveauté amène quelques réticences, analyse-t-il. Les jeunes patrons sont très réceptifs. D'autres doivent être convaincus. Nous devons donc maintenant faire ce travail".

"Toute nouveauté amène quelques réticences. Les jeunes patrons sont très réceptifs. D'autres doivent être convaincus."

Alphonse Pellet, commissaire de branche et boulanger-pâtissier

De son côté, Tanja Fux réaffirme le soutien de la branche. "Nous avons sollicité les formateurs. Il y a certaines craintes, c'est normal. Mais si nous sommes allés de l'avant, c'est parce que la demande venait des professionnels de la branche".  Elle assure que le programme scolaire a été établi pour représenter une réelle alternative à la première année en entreprise. "Lorsque les jeunes arrivent en deuxième année, ils ont déjà les bases sur un certain nombre de sujets comme les questions d'hygiène ou la sécurité au travail. Toutes des choses que les entreprises ont de la peine à faire en parallèle de la production au quotidien".

Une formation duale mixte est déjà possible pour les métiers de cuisinier et spécialiste en restauration ainsi qu'en communication hôtelière. Ces professions jugées difficiles en termes de pénibilité sont «primordiales pour un canton touristique comme le Valais», relève encore René Constantin, directeur de l'EPCA.

Cette nouvelle formation commence dès la rentrée 2022/2023. Elle est le fruit d'un travail entre le canton du Valais, les associations faîtières et les entreprises formatrices et devrait accueillir une vingtaine de jeunes.

dar/ats
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