L'indissociable histoire de la Vallée d'Illiez et de la contrebande
L’histoire de la Vallée d’Illiez est indissociablement liée à la contrebande. Retour sur ces trafics entre la France et la Suisse dans le cadre de notre série estivale sur les vallées latérales de notre canton.
Il se dit lui-même contrebandier, mais amateur. Raphy Guérin est l’une des mémoires vivantes de la Vallée d’Illiez. Il a d’ailleurs participé au film, sorti en 2019, qui retrace l’histoire de cette vallée. Raphy Guérin a vécu une grande partie de sa vie à l’entrée de la Vallée d’Illiez, sur les bas de la commune de Troistorrents. Mais c’est surtout lors de la saison estivale dans les alpages, qu’il a vu – et toucher de près – la contrebande. «La contrebande qu’on faisait nous, c’était les cigarettes, le tabac, le sel, les sonnettes de vache et les poids de ménage», avoue Raphy Guérin.
«Il y avait des astuces pour trafiquer les jauges à essence»
Raphy Guérin
Tout ce trafic avait lieu sur les alpages, où les familles françaises et suisses se retrouvaient de part et d’autre de la ligne frontalière pour l'estivage. «L’hiver, il y a avait personne dans ces régions-là. L’été, c’était journellement surveillé et contrôlé.» Les douaniers disposaient même d’un refuge au Col des Portes de Culet pour surveiller la frontière franco-suisse. Pour celles et ceux qui jouaient au chat et à la souris avec les douaniers, il fallait éviter de se faire pincer car les conséquences pouvaient être lourdes. «On disait que quelqu’un qui se faisait pincer avec de la marchandise, il devait payer une amende de dix fois la valeur de la marchandise, qui était en plus séquestrée.»
La contrebande dans les alpages s’est peu à peu estompée avec le temps. Mais une nouvelle forme de trafic a vu le jour avec l’essor de la route et des véhicules individuels. «La station de Morgins dans les années 70 avait cinq stations-service. Elle n’en a plus maintenant. L’essence était importante à l’époque. Il y avait des astuces pour trafiquer les jauges à essence. Un individu qui passait Châtel-Morgins et revenait une heure plus tard, il était sûr d’être contrôlé à son retour.»
Se retourner vers la plaine
En raison de cette proximité avec l’Hexagone, les habitants de la Vallée d’Illiez ont aussi été aux premières loges de la mobilisation générale en France lors de la deuxième guerre mondiale. Raphy Guérin s’en souvient : «On avait notre armée qui faisait la surveillance de la frontière entre Morgins et Châtel. On a eu cette coupure avec la France pendant cinq ans jusqu’au départ de l’armée. En 1946 quand on est retourné sur les alpages, on a vu un village de Châtel dans un état de démolition pas possible. Pendant six ans, les hommes valides n’ont pas été là pour entretenir leur village.» Face à cette histoire si commune avec son voisin français, la Vallée d’Illiez se sent-elle plus proche de la France que du Valais ? «On a encore des restes de ces relations avec les Hauts-Savoyards. On a plus de peine de se tourner vers Sion que de l’autre côté», reconnaît Raphy Guérin.
«C’est une vallée un peu particulière»
Raphy Guérin
Cette relation avec la France a tout de même progressivement périclité en raison de l’arrivée de la chimie à Monthey. La CIBA a apporté du travail dans la région. «La CIBA et Troistorrents, c’était à proximité. Moins d’une heure à pied. Ça a modifié l’environnement.» Et fait marquant : des chalets – comme celui de Raphy Guérin – ont même été déplacés de Morgins vers les bas de Troistorrents pour être plus proche de Monthey et du pôle chimique. Entre 25 et 30 chalets ont subi ce sort.
Pour terminer l’histoire de la Vallée d’Illiez, comment ne pas aborder les deux symboles de la région : la Vièze, qui s’écoule de Champéry à Monthey et les Dents du Midi. Ce chaînon montagneux – observable loin à la ronde et sous toutes ses facettes – fait la fierté toute la vallée même si les Dents du Midi touchent une seule commune dans la vallée : celle de Val d’Illiez. Une anecdote, qui n’en est pas une, tant chaque commune a sa propre identité. «C’est une vallée un peu particulière. Troistorrents est une commune de quartier. Val d’Illiez reste attaché à ses occupations et Champéry est tourné vers le tourisme. Les identités sont très marquées par les fameux torrents.»