La tisserande Marie Métrailler: être écologiste et féministe en 1900 à Evolène

Elle était une entrepreneure libre et rebelle. La tisserande Marie Métrailler, née en 1901, était ce que l’on peut appeler une figure de l’écologie et du féminisme avant l’heure. Aujourd’hui, son atelier à Evolène a été rénové pour faire perdurer son patrimoine. Rencontre avec sa petit nièce.

En un mot? Marie Métrailler était «indépendante». Née au tout début du siècle passé, elle a fondé un atelier de tissage au cœur du village d’Evolène pour sortir de la pauvreté. Un geste audacieux, en pleine crise économique des années 30 et alors que les métiers principaux dans les régions de montagne était ceux de la terre. «Vendre les étoffes du pays, c’était relativement peu payé... explique-t-elle dans le film Plan fixe tourné chez elle en 1978. Cela restait tout de même de l’argent sec qui rentrait et on en avait rudement besoin.»

D’abord seule à travailler sur les métiers à tisser, elle engage ensuite quelque 250 femmes de la région pour toutes sortes d'activités liées à l'étoffe. Autant de femmes qui ont gagné en autonomie financière à une époque où cela n’était pas gagné d’avance. «Les familles ici n’avaient pas d’argent, poursuit l'Evolènarde dans le film-témoignage. Elles dépendaient complètement des hommes. D’ailleurs, le mari n’était pas toujours très gentil avec la femme: c’était la mentalité du "pacha" ici. C’est-à-dire une mentalité où l’homme a tous les droits, alors que la femme ne peut que travailler et se taire.»

«Tout était pêché mortel»

Un ton franc pour celle qui a toujours été réputée pour être rebelle, libre, mais aussi un peu solitaire, puisque marginalisée par des idées qui ne passaient décidément pas.

«Je n'étais pas révoltée contre le christianisme en tant que tel. Pas du tout, revendique-t-elle en 1978. Mais je m'opposais à ces espèces de brimades perpétuelles imposées par l'église. Cette culpabilisation qui pesait sur nous. Tout était pêché. Tout était pêché mortel. Alors forcément, il y avait une révolte, je ne pouvais pas accepter cette manière de présenter les choses.»

«Marie Métrailler pourrait très bien servir d'exemple aux jeunes femmes d'aujourd'hui.»

Denise Métrailler, co-présidente de la Fondation atelier de Marie Métrailler (FAMM)

Nous avons rencontré sa petite nièce, Denise Métrailler. Habitante d'Evolène également, elle parle de la tisserande en disant "tante Marie" et c'est avec fierté qu'elle le fait. «Son ouverture d'esprit est impressionnante pour une femme née en 1901. Elle pourrait très bien servir d'exemple aux jeunes femmes d'aujourd'hui. Marie Métrailler n'aimait pas l'injustice. Elle s'est formée très jeune grâce à la lecture – ces parents étaient instituteurs – et elle s'est forgée des idées très claires. Elle était déjà ce que l'on appellerait aujourd'hui une "écologiste" et elle avait, en elle, cette envie de défendre les femmes et leur indépendance.»

Ecoutez Denise Métrailler, petite-nièce de Marie Métrailler:

Une Fondation pour préserver le souvenir

Marie Métrailler décède en 1979 et les activités de tissage se poursuivront jusqu’ à la fin des années nonante. À cette période pourtant, le lieu se vide et il reste à l’abandon plus de deux décennies. En 2017, une Fondation se crée dans le but de contribuer au maintien et à la mise en valeur de cet atelier, transmettre le savoir-faire, encourager l'innovation dans le métier du fil et organiser des débats sur les thèmes d'actualité. Denise Métrailler en devient la co-présidente et des fonds sont trouvés. Aujourd'hui, le lieu a entièrement été rénové grâce à la commune d’Evolène, le Canton et l’Aide Suisse à la montagne.

Deux tisserandes d’Evolène ont été formées et engagées pour produire des étoffes de tout genre. L’idée désormais est de travailler sur commande. L'atelier est ouvert au public et des initiations au métier sont prévues.

dar/ Nils
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