Jean et Samuel Luyet: les deux frères saviésans qui tutoient les sommets du karting
Ils sont jeunes. Ils sont frères et viennent de Savièse. Nés dans une famille qui vit depuis des décennies pour les sports automobiles, Jean et Samuel Luyet perpétuent la tradition. Et s’établissent au plus haut niveau du karting.
Dans la famille Luyet, la passion des sports automobiles coule dans les veines. Elle se transmet de génération en génération. Il y a d’abord eu Edmond, le grand-père, grand amateur de courses de côte. Puis Laurent, le papa, ancien champion suisse en voiture fermée et David, l’oncle, double champion suisse en monoplace. Désormais, elle se vit avec Jean et Samuel. Les deux frères, âgés de 22 et 20 ans, sont engagés au plus haut niveau en karting.
Le karting plutôt que le foot
«J’ai eu mon premier kart à 10 ans», se souvient l’aîné. «C’était soit ça, soit le foot...et c’est quand même plus cool de tourner un volant et de mettre les gaz!» Aucune pression paternelle n’a donc été nécessaire pour faire perdurer la tradition auprès des plus jeunes membres de la famille? «C’est plutôt moi qui lui mettait la pression pour qu’il m’achète ce kart et qu’on aille rouler.» De son côté, Samuel, le cadet, est tombé dans la marmite en voulant imiter son grand-frère. «À la base, papa m’avait acheté une combinaison de mécanicien car je voulais en faire mon métier. Mais en voyant Jean rouler, j’ai voulu essayer et je suis resté «bloqué». J’ai été conquis par cette sensation de vitesse, l’adrénaline que l’on ressent au volant.»
«On n’a pas de suspensions, on prend des coups, on a des bleus sur tout le corps. Un vrai truc d’hommes!»Jean Luyet
Assis à côté de son frère, Jean opine en l’entendant évoquer le terme de «sensation au volant». Il prend le relais pour nous expliquer que «le karting est quelque chose d’assez libre. On n’est pas attachés. On bouge. On vit la course. En tendant la main, je peux presque toucher celui qui est à côté de moi. C’est quelque chose d’unique. Bien différent d’une voiture normale. On n’a pas de suspensions, on prend des coups, on a des bleus sur tout le corps. Un vrai truc d’hommes!»
D’une même voix, les deux frères poursuivent avec cette affirmation: le karting en compétition n’a rien à voir avec celui que l’on pratique lors d’une sortie entre potes. «Rien n’est laissé au hasard, tout est précis durant les courses. C’est un peu comme la pétanque. Tout le monde peut y jouer mais en compétition, c’est un autre monde. On y connaît tout, le terrain, le poids des boules, etc…»
Engagés par l’écurie référence
Tous deux engagés en KZ, la catégorie reine de la discipline, les frères Luyet représentent l’écurie italienne Tony Kart, l’une des références du milieu. «Jean avait déjà fait une saison chez eux en 2017», relève Samuel. «Nous sommes ensuite partis dans une autre équipe. Mais Tony Kart a un matériel unique. Ils font leurs propres moteurs, les meilleurs du circuit. On a donc repris contact avec le patron et comme on se connaissait déjà, on a vite trouvé un arrangement.» Outre leur rôle sur la piste, Jean a même été engagé au sein de l’usine de l’écurie afin de contribuer au développement de ces fameux moteurs. «J’y prends un monstre plaisir. Cela me permet de rester constamment dans le monde du karting.»
«Mon frère est la seule personne que j’accepte voir devant moi.»Jean Luyet
Frère dans la vie, coéquipiers sur la piste, Jean et Samuel ressentent-ils une certaine concurrence entre eux? «Cela peut arriver», reconnaît le cadet. «En course, on doit penser à soi. Mais on essaie quand même de toujours être là pour aider l’autre.» L’aîné ne le cache d’ailleurs pas: «mon frère est la seule personne que j’accepte voir devant moi. On est un groupe, on se protège lorsque l’on est en compétition contre les autres. Avoir son frère à ses côtés, c’est un vrai plus.»
Pas facile de garder les pieds sur terre
Régulièrement sur la route en direction – généralement – de la France, de l’Espagne ou de l’Italie pour les entraînements et les couses, les deux jeunes hommes ont la chance de pouvoir compter sur le soutien sans faille de leurs parents. Laurent n’est d’ailleurs pas seulement leur père mais aussi leur Team Manager. «Je suis là pour leur apporter un regard externe», explique-t-il. «Je fais en sorte qu’ils gardent les pieds sur terre, ce qui n’est pas toujours facile dans ce milieu. Je dois parfois hausser le ton car c’est forcément plus difficile d’écouter et de croire ce que dit le père que quelqu’un d’autre. Mais en tant que parents, notre rôle est aussi d’être là pour les rassurer avant le départ. Il faut qu’ils aient confiance en eux pour être performants.»
«Je ne regarde pas les départs. C’est là que ça frotte le plus et que le risque d’accidents est élevé.»Laurent Luyet
Lorsqu’on lui demande comment se comporte le paternel en amont ou durant les courses, Jean se marre. «Il est beaucoup plus tendu que nous! Il ne comprend pas toujours ce qu’on fait, ce qu’on teste avec le team.» La peur existe-t-elle réellement dans l’esprit de Laurent au moment de voir ses fils s’élancer? «À fond. Ils ont déjà eu des accidents et c’est difficile à accepter. Inconsciemment, on se dit alors que c’est nous qui les avons mis là il y a une dizaine d’années. Heureusement, ma femme me rappelle que c’est aussi leur passion. Qu’on ne les a jamais forcés à faire ça.» Reste que le papa se refuse toujours à regarder un moment précis de la course. «Le départ. C’est là que ça frotte le plus et que le risque d’accidents est élevé. Je l’ai connu durant ma carrière donc je ne veux pas avoir cette image-là en tête.»
Entre 15 et 20'000 euros la course
Durant les premières années de carrière de Jean et Samuel, Laurent n’a pas hésité à lui-même mettre la main au portefeuille pour leur permettre de vivre leur passion. «C’était une somme entre 15 et 20'000 euros pour un seul pilote qui comprenait tout l’entourage de la course. Mais nous n’avons jamais hésité à nous investir. Aussi bien en termes de temps que d’argent. Pour voir deux Saviésans se confronter aux meilleurs pilotes du monde, il faut tout donner.» Interrogé sur leur principal objectif d’avenir, les deux frères sont unanimes: «le titre de champion du Monde ou de champion d’Europe!» Et la Formule 1 dans tout ça? «J’y pense mais quand on voit les enjeux, le fait qu’il n’y a que 20 pilotes dans le monde, on se dit quand même que c’est quelque chose d’extrême», souffle Samuel. «Moi, je veux juste mon titre en karting. C’est tout», conclut Jean.
Atteindre – à terme – le toit du monde permettrait en tout cas à Jean et Samuel de renforcer encore la tradition des sports automobiles chez les Luyet. Pour la plus grande fierté du grand-papa Edmond, du tonton David et, forcément, du papa Laurent.