Elle mène une vie religieuse et explosive : rencontre avec l'artificier du Grand-St-Bernard

Didier Morard
Journaliste

Son profil étonne : Anne-Marie Maillard est sans doute l’unique artificier-pyrotechnicienne à mener une vie religieuse. Portrait de cette Valaisanne d’adoption, qui consacre sa vie à la prière et aux feux d’artifice.

A l’approche de la Fête nationale et malgré l’interdiction des feux d’artifice en raison du risque d’incendie, nous vous proposons un portait unique, celui d’Anne-Marie Maillard. Cette Française, «Savoyarde avant d’être Française» précise-t-elle d’emblée, a consacré sa vie à la prière et à l’accueil des pèlerins à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard. Mais particularité : cette laïque consacrée est aussi artificier-pyrotechnicienne. Depuis 20 ans sur le Col et 12 ans à Bourg-Saint-Pierre, c’est elle qui tire les feux d’artifice lors de la Fête nationale suisse. Une véritable figure locale.

Une vie explosive

L’alchimie d’Anne-Marie Maillard avec la pyrotechnie commence bien avant son engagement religieux. Alors qu’elle est responsable animation à Meaux, dans la banlieue parisienne, on lui propose de suivre une formation en pyrotechnique. «Après des essais concluants, je me suis lancée dans cette formation en pyrotechnique», explique Anne-Marie Maillard. En raison de sa proximité directe avec les explosifs, elle est suivie de près en France par l’antiterrorisme. «On est fiché, on est des terroristes potentiels puisqu’on a l’autorisation de manipuler des produits pyrotechniques. Avec tous les attentats qu’il y a eu en France, ils ont renforcé les mesures de sécurité. C’est normal d'être fiché. On manipule de la poudre», reconnaît Anne-Marie Maillard.

Une vie entre prière et feux d’artifice

A son arrivée au sein de la congrégation du Grand-Saint-Bernard, Anne-Marie Maillard a d’abord laissé de côté son passé explosif. Mais lorsque les autorités locales lui ont demandé de reprendre l’organisation des feux d’artifice dans la région, elle n’a pas hésité une seconde. En deux temps trois mouvements, elle a fait reconnaître par la Suisse ses diplômes français et a repris la gestion des spectacles pyrotechniques sur le Col et à Bourg-Saint-Pierre. Seule petite formalité : demander l’autorisation à sa congrégation. «Ça s’est fait naturellement. Ce n’est pas courant quand on s’engage dans la vie religieuse mais comme j’avais cette formation initiale, autant la mettre au service des visiteurs, de la communauté et de la commune», explique Anne-Marie Maillard.

«On est fiché, on est des terroristes potentiels »

Anne-Marie Maillard

Pour l’anecdote – s’il en faut encore une plus insolite – les feux d’artifice sont directement livrés et entreposés au Col du Grand-Saint-Bernard. «J’ai un local en dehors de l’Hospice qui est à une distance suffisamment grande pour entreposer les produits. Il y a des règlementations pour entreposer les produits. Je les conditionne de telle manière qu’il n’est pas possible de déclencher électriquement ces explosifs. Le système de tir est entreposé séparément», rassure Anne-Marie Maillard.

Des feux d’artifice annulés
En raison du risque d’incendie élevé, Anne-Marie Maillard sera au repos forcé le 1er août. Les feux d’artifice ont été annulés. «C’est l'enjeu de sécurité qui prime sur notre désir personnel de tirer un feu d’artifice. Il faut aussi anticiper le risque des petits pétards qui peuvent mettre le feu ailleurs que sur le site. C’est la responsabilité de l’artificier de tout mettre en œuvre pour la sécurité de la population», explique Anne-Marie Maillard.

Si les feux d’artifice sont annulés cette année, de nouvelles innovations viennent parfois remplacer les traditionnels spectacles pyrotechniques. Les drones ainsi que les représentations sons et lumières sont de plus en plus privilégiés par les communes. Reste que pour Anne-Marie Maillard, rien ne remplace un vrai feu d’artifice. «Les feux d’artifice donnent encore du rêve mais il ne faut pas entrer dans des excès. Il y a des feux tellement gros que ça crée une lassitude. Le souci environnemental est aussi important. Nous utilisons seulement des produits biodégradables», conclut Anne-Marie Maillard.
DM
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