Christian Varone : "vous êtes content d'avoir une casquette pour ne pas montrer vos larmes"

Didier Morard
Journaliste

Christian Varone est notre invité ce mercredi dans le cadre de notre série sur les dix ans de l'accident d'autocar de Sierre. Le commandant de la police cantonale a été sur le front pendant les 72 heures d'engagement.

Dix ans, déjà pour l'accident d'autocar de Sierre. Ce dimanche 13 mars, une cérémonie de commémoration se tiendra à Géronde en présence notamment du Président de la Confédération Ignazio Cassis, du Premier ministre belge Alexander De Croo et du Ministre d'Etat néerlandais Piet Hein Donner. Mais Rhône FM anticipe cette commémoration en déployant une opération spéciale toute cette semaine pour revenir sur cet accident, qui a coûté la vie ce 13 mars 2012 en début de soirée à 28 personnes, dont 22 enfants. Les 52 occupants de cet autocar rentraient en Belgique après un camp de ski à Saint-Luc, dans le Val d'Anniviers.

"Je mesure tout de suite l'ampleur de cette tragédie."

Christian Varone, commandant de la Police cantonale

Ce mercredi, retour sur cet évènement avec la Police cantonale valaisanne, un maillon indispensable dans la gestion d'une telle crise. Son commandant Christian Varone est notre invité. Le Savisésan a été avisé du drame par un officier de permanence quelques instants après l'accident, vers 21H30. "Je mesure tout de suite l'ampleur de cette tragédie", se rappelle Christian Varone. L'ancien candidat PLR au Conseil d'Etat décide de se rendre sur place pour coordonner les opérations. Un plan d'action d'envergure importante a été déployé pour mobiliser près de 300 personnes. " C'est entre guillemets une chance, si on ose parler d'une chance, parce qu'on avait révisé notre plan d'action d'engagement suite aux différents enseignements qu'on avait retiré de la gestion des crises de catastrophes naturelles", précise le commandant de la Police cantonale.

"Tant Madame Widmer-Schlumpf que Monsieur Di Rupo ont été exemplaires."

Christian Varone, commandant de la Police cantonale

Outre la sécurisation des lieux pour éviter l'incursion de certaines personnes dans le tunnel autoroutier, les forces de l'ordre ont été sur le pont pendant près de 72 heures. " Il fallait sécuriser notamment les lieux où séjournaient les familles. Il a fallu également sécuriser les hôpitaux. Il y a ensuite eu la problématique de l'enquête et de l'identification des victimes", indique Christian Varone, qui rappelle la difficulté de la tâche : " Il y avait trois bus au départ du Val d'Anniviers et il a fallu être très rapide dans l'identification de ces victimes et surtout par la suite rapidement ouvrir des helplines [NDLR : téléassistances], qui nous ont permis d'être en lien direct avec les familles en Belgique."

Puis, les autorités ont dû également faire face aux médias avec des conférences de presse organisées après l'accident en présence notamment de la Présidente de la Confédération Evelyne Widmer-Schlumpf et du Premier ministre belge Elio Di Rupo. "Ça été un moment fort. On a tout de suite, s'il fallait encore, compris l'ampleur que prenait ce tragique évènement. Tant Madame Widmer-Schlumpf que Monsieur Di Rupo ont été exemplaires. Leur démarche a surtout été de nous demander ce dont nous avions encore besoin pour gérer ce drame", souligne Christian Varone.

Le temps de l'enquête et des enseignements

La Police cantonale a également participé au rapatriement des 28 corps de victime depuis l'aéroport de Sion, trois jours après l'accident. " C'était un moment particulièrement fort sur le plan émotionnel. Quand vous voyez partir ces petits cercueils blancs, vous êtes contents d'avoir une casquette pour ne pas montrer vos larmes", se rappelle ému Christian Varone.

"On met quand même plusieurs semaines à récupérer."

Christian Varone, commandant de la Police cantonale

L'envol de l'avion-cargo belge avec le corps des victimes marquait symboliquement la fin de 72 heures d'engagement. " On a une charge émotionnelle qu'on garde en nous. A la fin, on sent comme ce poids sur les épaules. On met quand même plusieurs semaines à récupérer", précise le Saviésan. Mais pas le temps de s'endormir sur ses lauriers, le temps de l'enquête attend les forces de l'ordre. " Il y a eu une grosse enquête, qui a été mise en place pour déterminer les causes de l'accident", explique Christian Varone. Et les enquêteurs suisses ont également dû faire face à la pression des familles de victime, soucieuses de trouver le ou les responsables de cet accident. " On doit se mettre à la place des familles. C'est normal, une famille veut des réponses lorsqu'elle perd son enfant. Il s'agit de lui donner le maximum d'information et lui expliquer les causes objectives de cet accident. Ce n'est pas une période facile parce qu'on est face à une douleur des parents qui ont perdu un enfant et qui attendent des réponses précises", comprend Christian Varone.

"Ça restera un des engagements les plus forts qu'a connu notre corps de police."

Christian Varone, commandant de la Police cantonale

Dix ans après l'accident, les traces de ce drame sont encore présentes. "Ça restera un des engagements les plus forts qu'a connu notre corps de police", estime son commandant. Plusieurs enseignements ont été tirés pour améliorer la gestion des prochaines crises. L'Etat du Valais – après décision du Grand Conseil – va réunir les centrales d'engagement de la police valaisanne, des pompiers et du 144. Une centralisation qui doit permettre de meilleures synergies entre les feux bleus.

DM
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