Ces Suisses qui veulent exporter l'art de la raclette en Suède
Rien ne leur manquait de la Suisse… sauf la raclette. C’est en se faisant cette réflexion qu’Alain et Kim – qui partagent leur quotidien entre la Romandie et la Suède – ont décidé d’ouvrir une épicerie en ligne spécialisée dans le fromage valaisan. 600 kilos sont sur le point d’arriver dans le Nord.
Ça y est! Après deux ans de travail pour ficeler le projet, 600 kilos de fromage à raclette de la laiterie d’Orsières sont sur le point d’arriver dans les îles suédoises à l’est de Stockholm. Et cela ne devrait être qu’un début, si l'idée plaît, cela pourrait aller jusqu'à trois tonnes d'importation annuelle. Une aventure menée par Alain, avocat qui exerce entre le canton de Vaud et le Valais et sa compagne suédoise Kim, ancienne employée dans le domaine de la distribution chez Nestlé.
«Nous avons l'habitude de passer nos étés dans l'archipel de Stockholm, explique Alain Vogel. Et un jour, cela devait être il y a trois ou quatre ans, on se reposait au soleil tranquillement et puis on se demandait: qu'est-ce qui nous manque de la Suisse?» Pas le chocolat, pas les activités... «J'ai simplement répondu: je me ferai bien une raclette».
De la raclette dans les valises
Le couple part alors à la recherche d'un bout de fromage à fondre, digne de ce nom. Il y a bien du Gruyère AOP, de l'Emmentaler AOP, quelques spécialités françaises et italiennes, mais rien n’a mettre sous un cordon de chauffe. Le couple décide qu'on ne les y reprendra plus. Lors de leurs voyages suivants, leurs valises sont pleines de fromage à raclette qu'ils ont alors fait goûter à leurs amis en Suède. «On avait des produits de Goms, de l'Entremont, d'Aletsch et ont les faisait tous déguster. C'est comme ça qu'a commencé notre première étude de marché», sourit l'avocat spécialisé dans le droit des sociétés.
Le verdict est unanime, ce sont les raclettes du district d'Entremont, Bagnes et Orsières qui ont la faveur des Suédois. «C'est un fromage qui est plus crémeux et un peu plus doux que les autres», analyse le Valaisan de cœur.
La Suède, c'est loin
C’est à ce moment-là que Simon Tornay, directeur de l’espace terroir de la laiterie d’Orsières entre en jeu. «C'est une belle histoire qui s'est transformée en histoire d'amitié du reste, raconte Simon Tornay. Elle a commencé en réalité lors de l'ouverture de la laiterie. L'ancien président du grand Conseil était invité à l'inauguration. Il connaissait bien Alain Vogel. C'est comme ça qu'on a été mis en contact.»
Et l'avocat ne perd pas le nord. Il signe un contrat d'exclusivité avec le Valaisan pour s'assurer que personne ne lui pique l'idée. Aujourd'hui, deux ans plus tard, toutes les tracasseries administratives ne sont pas encore totalement terminées, mais le projet est à bout touchant. «Importer de la nourriture n'est pas si simple, remarque-t-il. Il y a évidemment des questions légales, mais aussi sanitaires. Il faut trouver des solutions pour respecter la chaîne du froid. Et puis, on ne peut pas avoir le même transporteur de bout en bout entre la Suisse et la Suède... bref, c'est beaucoup de boulot.»
Exporter du fromage... mais surtout une image
Reste que pour Simon Tornay, l'exportation de Raclette AOP restera un marché de niche. «Mon objectif principal, c'est de fournir la clientèle locale. Mais c'est vraiment que cela donne une bonne image au Valais.» Alain Vogel remarque d'ailleurs que le canton sait très bien vendre ses atouts touristiques, mais reste à la traîne au niveau culinaire. «C'est dommage et avec Kim, on compte bien y remédier!» revendique-t-il.
«La raclonnette, non ce n'est pas scandaleux. Ce qui aurait été grave, ça aurait été de vendre du fromage pasteurisé!»
Simon Tornay, directeur de l'espace terroir de la laiterie d'Orsières
Le site internet cheesecorner.se a été mis en ligne il y a quelques jours. Il n'y aura pas d'épicerie physique, mais les ventes se feront par livraison. Sur la page du shop, on trouve tous les éléments pour faire une raclette en Suède: le fromage, les épices, le lard sec et évidemment le four à raclette. Ou plutôt, la raclonnette. «Non... non... ça ne me fait pas mal au cœur, soupire Simon Tornay. Ce n'est pas non plus un scandale. Ce qui aurait été grave, ça aurait été de vendre du fromage pasteurisé!»
Il raconte par ailleurs que la raclonnette est bien plus pratique pour les Suédois: «Beaucoup ont des bateaux. Pour voyager ou simplement pour passer d'île en île. L'objectif est donc qu'ils mangent la raclette sur la mer. Avec une demi-pièce, c'est quand même bien plus compliqué...» Le directeur de la laiterie d'Orsières compte pourtant bien faire le déplacement pour montrer aux Suédois comment racler le fromage: «Et mettre un peu d'ambiance!»