Camille Rast: «J’avais besoin de nouvelles motivations»
Camille Rast est à un tournant de sa carrière. Au sortir d’une saison écoulée qui a été sa plus aboutie depuis ses débuts en Coupe du Monde, la Vétrozaine a fait le pari de changer de matériel. Elle aura une première fois l’occasion de se tester en compétition samedi à Sölden.
L’heure de la reprise a sonné pour la caravane du cirque blanc. En attendant le verdict de la Fédération Internationale de Ski concernant le maintien, ou non, des épreuves de vitesse au pied du Cervin, ce sont les géantistes qui ouvriront la saison ce week-end à Sölden. La Vétrozaine Camille Rast se présentera à cette occasion pour la première fois dans le portillon avec son nouveau matériel estampillé Salomon. Interview.
Camille Rast, premièrement, comment s’est passée votre préparation?
Très bien. On a eu la chance de pouvoir partir à Ushuaïa où on a eu droit à un bloc de trois semaines intenses. L’altitude y est super basse, on skiait à 400 ou 500 mètres seulement donc physiquement, c’était super intéressant. On a pu enchaîner les manches et ça m’a permis de bien tester mon matériel. Après mon changement, c’était très important de trouver le ski qui me convient le mieux. Une fois cette étape franchie, j’ai pu pousser au maximum les réglages.
«Chez Salomon, on est une petite famille. On voyage tous ensemble durant toute l’année. C’est ce qui m’a motivé à tenter ce challenge.» Camille Rast
Vous parlez de votre changement de matériel. Justement, qu’est-ce qui vous a poussé à quitter Head pour Salomon?
Salomon m’avait déjà recherché il y a quatre ans mais je n’avais malheureusement pas pu tester leurs skis. Cette fois, j’ai eu cette possibilité et je me suis tout de suite bien sentie sur ces skis bleus. J’ai rapidement été convaincue. Et puis le côté humain est aussi très important pour moi. Chez Salomon, j’ai l’impression d’être intégrée dans le team. On est une petite famille. On voyage tous ensemble durant toute l’année. C’est ce qui m’a motivé à tenter ce challenge.
D’un point de vue technique, qu’est-ce qui change concrètement lorsqu’on passe d’une marque à l’autre?
Je dirais qu’on peut comparer ça à un changement de voiture. Le véhicule est le même mais des petits détails sont différents. C’est sur ces détails qu’on travaille pour essayer d’aller toujours plus vite. Lorsque tout se joue à des centièmes de seconde, il faut vraiment pouvoir travailler sur quelque chose qui nous plait et sur lequel on est à l’aise. Le but est que tout devienne des automatismes. Comme si on était un géant et que les skis étaient des petits bâtons.
Le fait de sortir de ce qui est assurément la meilleure saison de votre carrière, ça n’a pas freiné votre envie de changement?
C’est clair que c’est un élément qui m’a trotté dans la tête. J’ai fait des années chez Head et le changement n’est jamais simple. Ça reste une séparation. Mais je crois que j’avais besoin de nouvelles motivations. Salomon était prêt à me mettre un «skiman» à moi. Travailler en individuel, c’est quelque chose de très important. Tout comme le fait de pouvoir continuer à compter sur la même personne. On n’avait pas besoin de faire connaissance. La seule chose à prendre en compte était d’apprivoiser ce nouveau matériel.
«J’ai déjà pu faire pas mal d’expériences mais il me reste beaucoup de choses à apprendre.» Camille Rast
L’hiver dernier, est-ce que vous avez l’impression d’avoir atteint votre meilleur niveau ou seulement de vous en être rapprochée?
Je pense que si à mon âge (ndlr: 22 ans), je suis déjà à mon meilleur niveau, c’est dommage. J’ai déjà pu faire pas mal d’expériences mais il me reste beaucoup de choses à apprendre. J’ai envie de progresser, d’être sur les skis, de chercher et rechercher la performance et les détails. J’espère donc avoir encore une belle marge de progression.
La progression passera notamment par un podium en Coupe du Monde. Vous êtes passée toute proche l’hiver passé avec cette 3ème place manquée pour douze centièmes en slalom à Schladming…
Quand on voit ce résultat sur le papier, on se dit qu’il a manqué tellement peu qu’on peut avoir des regrets. Mais si je me remets dans les circonstances du moment, je sortais tout juste du covid. Mentalement, c’était une très grosse performance. J’ai dû prendre l’énergie de tout mon corps et j’ai ensuite été à plat durant deux ou trois jours. C’est incroyable de dire ça mais pour la première fois, j’ai été contente d’une 4ème place. Maintenant, j’espère pouvoir bientôt être contente d’être sur la boîte.
Un dernier mot sur la saison écoulée. C’était celle de la découverte des Jeux Olympiques pour vous. Quels souvenirs gardez-vous de Pékin huit mois plus tard?
Un souvenir contrasté. Toutes ces contraintes sanitaires étaient très stressantes. On savait qu’un test positif suffisait pour nous faire perdre toute chance d’être au départ. Dépendre de ça plutôt que d’une blessure ou autre, ça fait mal, c’est frustrant. Pour ce qui est des performances en revanche, je peux être très satisfaite de ce que j’ai produit en Chine. Rentrer avec une 7ème place et un diplôme en slalom, je ne pouvais pas demander plus pour une première expérience olympique.
«Concernant le covid, j’espère pouvoir passer entre les gouttes durant toute la saison mais pour l’instant, je reste sur la défensive.» Camille Rast
Les risques liés au covid, ils sont derrière désormais?
Pas vraiment. Plus les courses se rapprochent, plus ça devient un sujet qui est au centre des discussions. La FIS n’a pas édicté de grosses restrictions pour l’instant mais on sait que suivant l’évolution de la situation sanitaire durant l’hiver, on devra repasser par la case «tests». Devoir gérer ça en plus de nos performances sur la piste, c’est stressant, je le répète. Parfois, ça s’apparente à un coup de poker. J’espère pouvoir passer entre les gouttes durant toute la saison mais pour l’instant, je reste sur la défensive.
Vos objectifs pour cette saison, quels sont-ils?
On y revient mais la première des choses, c’est que j’aimerais me trouver performante en course sur mon nouveau matériel. Il faudra peut-être faire preuve d’un peu de patience en début de saison car s’adapter à quelque chose de complètement différent de ce qu’on a connu durant des années prend du temps. Tu ne peux pas trouver en quelques mois les sensations que tu as construit en dix ou quinze ans. Sinon, j’espère évidemment continuer à valider mes tops 15 sur la durée.
Les Mondiaux de Courchevel/Méribel en février, c’est l’événement entouré en rouge dans votre agenda?
Évidemment. Je pense qu’être en forme ce week-end à Sölden ne sert pas à grand-chose si ce n’est pas aussi le cas en février. Ne pas être dans le top 5 lors de ce premier géant ne veut pas dire qu’on ne fera pas une bonne saison. Ma priorité actuelle est de progresser jour après jour avant de monter en puissance en décembre, janvier et surtout février.
Vous avez le choix: plutôt premier podium en Coupe du Monde ou podium aux Mondiaux?
Ah bah aux Mondiaux! C’est une course d’un jour, c’est aussi un podium mais il y a la médaille en plus. Après, j’espère que le podium en Coupe du Monde suivra aussi (rires).