Les départs de bateaux transportant illégalement des migrants, syriens, libanais ou autres se sont multipliés depuis le Liban, pays plongé dans une crise économique sans précédent. Mais les naufrages meurtriers sont rares.
Le bateau est parti samedi de la région de Qalamoun au sud de Tripoli, la grande ville du nord du Liban, et transportait une soixantaine de personnes selon les autorités. La nationalité des migrants n'a pas été précisée.
L'armée libanaise a repêché dimanche cinq corps de migrants noyés et samedi celui d'une fillette, ce qui porte à six le nombre total de morts, selon un bilan provisoire de l'agence nationale d'information (ANI).
Jusqu'à présent, 48 personnes ont été secourues, d'après les derniers chiffres officiels, alors que la marine libanaise tentait toujours dimanche soir de retrouver des survivants.
Selon l'ANI, des manifestants ont bloqué dimanche en début de soirée l'autoroute menant de Tripoli au Akkar à l'aide de voitures, alors qu'une vive tension règne dans les quartiers de la ville où des tirs intermittents étaient entendus.
Le chef de la marine libanaise, Haissam Dannaoui, a déclaré lors d'une conférence de presse que le bateau était seulement long de 10 mètres et large de 3 et "il n'y avait aucun gilet de sauvetage à bord (...)".
Deux patrouilles ont suivi le bateau surchargé pour le forcer à faire demi-tour, a-t-il ajouté. "Malheureusement, le capitaine (du bateau) a décidé d'effectuer des manoeuvres pour s'échapper" mais il a, selon lui, heurté les navires de la marine et a été rapidement submergé.
"En moins de cinq secondes, le bateau était sous l'eau", a précisé M. Dannaoui, en affirmant que des gilets de sauvetage avaient été immédiatement lancés aux passagers.
Plus tôt, l'un des survivants au port a affirmé à l'AFP que c'était le navire de patrouille qui avait "percuté à deux reprises" le bateau de migrants pour le pousser à faire demi-tour, avant que des familles de survivants ne lui disent de se taire et l'emmènent plus loin.
"La marine poursuit les recherches pour retrouver des survivants", a indiqué Ahmad Tamer, le directeur du port de Tripoli fermé par l'armée.
"C'est arrivé à cause des politiciens qui ont forcé les Libanais sans emploi à quitter le pays", a déclaré à l'AFP à l'entrée du port l'un des proches de personnes qui se trouvaient à bord du bateau.
Des appels ont circulé sur les réseaux sociaux pour manifester devant la maison à Tripoli du Premier ministre libanais Najib Mikati qui a décrété lundi un jour de deuil national.
Inchangée depuis des décennies, la classe politique du Liban est accusée surtout de corruption et d'incompétence dans un pays où la monnaie a perdu plus de 90% de sa valeur et où la majorité de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté.
Des élections législatives sont en principe prévues le 15 mai au Liban où le mouvement armé pro-iranien du Hezbollah exerce une grande influence. "Mon neveu, qui a cinq enfants et une femme enceinte, essayait de fuir (...) la pauvreté", a confié un autre proche à l'entrée du port.
Deux cousins de Nissrine Merheb étaient aussi à bord du bateau ainsi que leurs enfants. "Les habitants de Tripoli sont condamnés à mourir", a-t-elle écrit sur Facebook. "Même quand on essaie d'échapper aux sales politiciens et à leur corruption (...) la mort nous rattrape".
Dans un message publié sur Twitter, la coordinatrice humanitaire des Nations unies pour le Liban, Najat Rochdi, a appelé à la fin de ces drames à répétition. "C'est horrible de voir que les privations poussent encore les gens à faire un voyage périlleux à travers les mers", a-t-elle déclaré.
Selon l'ONU, au moins 1570 personnes, dont 186 Libanais, ont quitté ou tenté de quitter illégalement le Liban par la mer entre janvier et novembre 2021, la plupart espérant rejoindre l'île de Chypre, membre de l'Union européenne et située à quelque 175 kilomètres. Un chiffre en hausse par rapport aux 270 passagers, dont 40 Libanais, en 2019.
La plupart des migrants sont des réfugiés syriens ayant fui leur pays en guerre, mais les Libanais sont de plus en plus nombreux à tenter la traversée.