Evolène interdit la transformation des commerces en logements au centre de ses villages
La commune d'Evolène interdit la transformation des commerces en logements. Le but : éviter l'appauvrissement économique de ses villages. Evolène suit ainsi la commune de Val de Bagnes, qui a instauré la même mesure pour Verbier.
À Evolène, la commune veut protéger ses commerces contre la création de logements. Elle a adopté un moratoire qui entre en vigueur ce mercredi pour une durée de cinq ans. Concrètement, le Conseil communal a décidé de créer une nouvelle zone réservée "dynamisme des centres de villages". "C'est une zone réservée qui nous permet de freiner les demandes de modification des constructions au centre des villages", explique Virginie Gaspoz-Chevrier, la présidente d'Evolène. La transformation des commerces en logements est particulièrement dans le viseur des autorités évolénardes.
La zone réservée s'étend sur 7,2 hectares sur les rues et espaces centraux de la commune. De la rue centrale à Evolène, en passant par les Haudères, la Forclaz, la Sage, Villa et Arolla.
Sauver l'activité économique locale
Dans le nouveau périmètre de la zone réservée, il n'est plus possible de transformer, sauf dérogations, un commerce en logement. Le but : éviter la perte d'attractivité des villages et l'appauvrissement des activités économiques. "On a beaucoup de commerces dans le village d'Evolène et on a maintenu des commerces dans presque tous les autres villages de la commune", se félicite Virginie Gaspoz-Chevrier. "Ces commerces, c'est l'âme d'un village, là où les habitants peuvent se retrouver, là où les propriétaires de résidences secondaires peuvent tisser des liens avec les habitants de la région", appuie l'élue.
Dans un rapport qui énumère les raisons de cette zone réservée, et dont Rhône FM a pu prendre connaissance, la commune rappelle que le tourisme est la principale source de revenu de la région. "Le tourisme est le pilier de notre économie", insiste Virginie Gaspoz-Chevrier. "C'est essentiel pour nous de se profiler comme une commune avec une vie villageoise préservée", ajoute-t-elle.
Une mesure urgente ?
Le moratoire intervient alors que plusieurs propriétaires de commerces cherchent à remettre leur activité. Faute de repreneurs, ils pourraient être tentés de créer des logements au détriment d'activités économiques. Un constat qui a inquiété les sociétés locales évolénardes. Elles ont écrit une lettre aux autorités communales en mars 2024 pour demander un moratoire. "Les sociétés locales ont fait part de leur volonté de conserver cette dynamique villageoise", révèle Virginie Gaspoz-Chevrier. "Quand on a les moyens d'agir, il faut les saisir", poursuit-elle.
Les inquiétudes autour du maintien des commerces dans le centre des villages se sont exacerbées depuis les récentes acquisitions d'un homme d'affaires d'origine bernoise. Ernest Zaugg a racheté ces dernières années plusieurs bâtisses au centre d'Evolène et dans d'autres villages de la commune. Parmi elles : l'emblématique bistrot "Le Central". Il est actuellement en transformation et abritera bientôt un hôtel.
À côté, la boulangerie a été aussi rachetée et servira de bureau d'accueil pour les logements rénovés et mis en location par la famille Zaugg. Ce moratoire doit-il être vu comme une mesure anti-Ernest Zaugg ? "Non pas du tout", rétorque Virginie Gaspoz-Chevrier. "Là, on a un investisseur qui vient faire de l'hébergement. Il a le souhait de maintenir ces commerces", affirme la présidente de commune. "Mais on a d'autres biens qui sont en vente, ou qui le seront, et on ne sait pas par qui ils seront achetés. Peut-être par quelqu'un qui n'a aucune ambition commerciale dans la commune, mais juste le souhait d'avoir une résidence secondaire. Et ça prétériterait l'ambiance du village d'Evolène", estime la présidente de commune.
Et les propriétaires dans tout ça ?
Selon un sondage réalisé par la commune d'Evolène dans le cadre de son Masterplan sur le tourisme, les propriétaires de commerces ont été questionnés sur ce moratoire. À la question, seriez-vous favorables à une mesure permettant le maintien de la fonction commerciale au niveau des rez-de-chaussée sur rue, 54% des sondés ont répondu "oui" et 36% "plutôt oui." "Ça nous donne une légitimité pour agir, quand bien même, on est conscients de l'impact de la mesure sur les propriétaires de ces commerces", reconnaît Virginie Gaspoz-Chevrier.
Selon la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, les zones réservées peuvent être décidées par le Conseil municipal pour une durée de cinq ans. "C'est une mesure qu'on analyse depuis quelque temps dans le cadre de la refonte totale de notre plan d'affectation de zones. Mais comme ça va nous prendre encore deux, trois ans et qu'il y a des propriétaires qui cherchent à remettre leur activité, on s'est dit qu'il fallait avoir un levier pour agir un peu plus vite", explique Virginie Gaspoz-Chevrier.
La zone réservée sera abrogée au plus tard au moment de l'homologation du plan d'affectation des zones et du règlement communal des constructions et des zones, promet la commune dans son rapport.