Stéphane Lambiel: «Avant ma médaille, j’ai pleuré en regardant le ciel de Turin»
Les Jeux Olympiques de Pékin débutent ce vendredi dans la capitale chinoise. Alors que le programme court messieurs de patinage artistique aura lieu mardi, séquence souvenirs avec Stéphane Lambiel, médaillé d’argent il y a seize ans à Turin.
C’était il y a seize ans. Le jeudi 16 février 2006. Nous sommes à Turin, à 200 kilomètres et moins de trois heures de route de Saxon. Du haut de ses 21 ans, Stéphane Lambiel est quintuple champion de Suisse en titre, il a déjà remporté le titre mondial au printemps précédent et s’apprête à le refaire un mois plus tard. Dans le Piémont, il découvre pour la première fois de sa carrière les Jeux Olympiques. Pourtant amoindri par une blessure au genou, il s’empare de la médaille d’argent derrière l’intouchable russe Evgeni Pluschenko.
Le souvenir de sa promenade avant le programme libre
«Ce qui m’est arrivé là-bas, c’est juste incroyable», se souvient le Valaisan des étoiles dans les yeux. «Aujourd’hui encore, à chaque fois que je retourne à Turin, pleins de choses me reviennent en tête. L’un des moments forts de mon aventure, ça a par exemple été ma petite promenade avant le programme libre. J’étais sur un pont qui reliait le village olympique au Lingotto, je regardais le ciel et je me suis mis à pleurer. Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Il y avait tellement de pression d’un côté mais de l’autre, je sentais que j’étais tout proche de quelque chose de fort. Il ne restait plus qu’à concrétiser tout ça.»
«J’avais envie d’en faire plus. À tel point que je n’ai pas cru mon entraîneur lorsqu’il m’a dit que j’avais fini 2ème.»Stéphane Lambiel
Mission accomplie donc malgré une prestation loin de satisfaire le natif de Saxon. «J’avais vraiment envie d’en faire plus», souffle-t-il. «À tel point que quand mon entraîneur (ndlr: Peter Grüther) m’a rejoint pour m’annoncer que j’avais fini 2ème, je n’y croyais pas. Et pourtant, je venais de réaliser mon rêve. Le faire devant toute ma famille, tout mon fan’s club et tous les gens qui avaient fait le déplacement depuis le Valais, c’était juste magique.»
Le partage plus important que le métal
Et aujourd’hui encore, seize ans plus tard, c’est le souvenir de cette médaille conquise à Turin qui revient régulièrement en tête lorsque l’on évoque le nom de Stéphane Lambiel. «Je ne crois pas que ce soit qu’une histoire de médaille», relève-t-il. «Ce n’est finalement qu’un objet. Ce qui a marqué les esprits, c’est ce moment vécu ensemble. Tous les sourires, toutes les embrassades. Ce partage qui au fond est plus important que le métal en lui-même. Aujourd’hui, ma médaille d’argent est exposée quelque part à Saxon et bien sûr qu’à chaque fois que je la vois, je ressens de l’émotion. Je suis chanceux de l’avoir obtenue mais surtout, je suis chanceux d’avoir pu réaliser durant ma carrière tout ce dont je rêvais quand j’étais gosse.»
«Cette médaille, je la dois aussi à mes parents.»Stéphane Lambiel
Ce succès, comme tous ceux qui l’ont précédé ou qui ont suivi, est en tout cas une récompense pour tous les sacrifices consentis par le patineur…et pas seulement. «Avant d’arriver sur ce podium à Turin, il y a bien eu quinze ans de travail. Quinze années lors desquelles tout n’est pas toujours tout rose. Il a parfois fallu se relever de déceptions ou de blessures. Il a fallu concilier l’école avec le parcours sportif. Et bien sûr, il y a aussi tout l’investissement de mes parents. Ils ont sacrifié beaucoup de temps et d’argent pour me permettre de pratiquer ce sport qui est exigeant et relativement cher. Cette médaille, je la leur dois à eux-aussi.»
Un cycle de 4 ans à bien gérer
Double-champion du Monde, triple vice-champion d’Europe, neuf fois champion de Suisse, le palmarès de Stéphane Lambiel est pour le moins étoffé. Et pourtant, le Saxonain le reconnaît: les Jeux Olympiques restent vraiment quelque chose à part. «Le fait qu’ils n’aient lieu que chaque quatre ans renforce cette dimension particulière. Durant ces quatre années de préparation, tu imagines ce qui peut se passer mais, en même temps, tout est relativement abstrait. Chaque athlète évolue durant un cycle olympique. Il y a aussi le choix des musiques qui est très important. Quand on se retrouve finalement à ces Jeux, on arrive dans un immense festival du sport, la pression est intense, tout le monde te regarde. Et en patinage, on n’a que trois minutes dans le programme court, quatre dans le libre pour montrer tout ce que l’on a entrepris depuis les derniers JO, voire depuis le début de notre carrière. Il faut réussir à gérer tout ça.»
«Ma 4ème place à Vancouver m’a permis de me faire à l’idée qu’il fallait que je termine ce chapitre d’athlète de haut niveau pour passer à la suite.»Stéphane Lambiel
Les Jeux Olympiques, le Valaisan les a vécus deux fois en tant qu’athlète. En 2006 puis en 2010 avec, à la clé, une quatrième place à Vancouver. «Finir au pied du podium, c’est la pire place possible, Mais en même temps, ça permet de se remettre en question. De réfléchir à la suite. Pour moi, ne pas avoir de médaille au Canada, ça m’a permis de vraiment me faire à l’idée qu’il fallait que je termine ce chapitre d’athlète de haut niveau pour passer à la suite.»
Et la suite pour Stéphane Lambiel, c’est son passage du costume d’athlète à celui d’entraîneur. Il y a huit ans, il fondait la skating school sur les hauteurs de Champéry et aujourd’hui, plusieurs de ses protégés sont retenus pour les Jeux Olympiques de Pékin. De quoi lui permettre, pourquoi pas, de revivre les émotions vécues voici 16 ans, du côté de Turin.