Portrait du mois: Clément Bohnet, le masseur entré dans la légende du FC Sion
Il fait partie des personnalités qui ont marqué l’histoire du FC Sion. Masseur du club durant de très longues années, chauffeur d’ambiance lorsque les circonstances le demandaient, Clément Bohnet reste un fidèle parmi les fidèles. Portrait.
Lorsqu’il répond au téléphone, Clément Bohnet commence par s’excuser: «Tu sais, avec ma santé, je ne peux plus trop me déplacer. Mais passes seulement à la maison.» Le rendez-vous est pris. Il nous accueille chez lui, à Martigny. Présente à ses côtés, son épouse le regarde avec tendresse. «J’ai de la chance qu’elle soit là.» À 83 ans, l’équilibre lui fait parfois défaut. Mais une fois assis, après nous avoir offert un café et proposé des chocolats, il peine à s’arrêter. Lorsqu’il est question du FC Sion, Clément Bohnet s’emballe. Il ouvre la boîte à souvenirs et les anecdotes fusent.
«J’ai claqué la porte au Martigny-Sports qui refusait de m’offrir une table de massage.»Clément Bohnet
«Comment tout ça a débuté? C’est simple», commence-t-il. «J’oeuvrais ici, au Martigny-Sports, mais comme le club refusait de m’offrir une table de massage, j’ai claqué la porte.» Avant de rapidement rebondir. «Deux jours après, je vois dans le journal que le FC Sion cherchait un masseur. J’ai appelé, j’ai eu contact avec André Luisier qui était alors président et il m’a dit de passer le soir même à l’entraînement. J’ai massé Lopez, j’ai massé Pittier, Moulin… Tous ces mecs ont ensuite dit au physio que j’avais une «belle patte» et qu’il fallait m’engager.»
La leçon de la brouille avec Hottiger
L’histoire débute ainsi. En 1980. Elle durera vingt-six ans. «Il y a quand même eu quelques petits breaks pour l’une ou l’autre de mes opérations», précise-t-il. Vingt-six ans de rencontres. De nombreux joueurs et entraîneurs avec lesquels Clément Bohnet assure s’être toujours entendu. «Le seul avec qui j’ai eu une petite brouille, c’est Marc Hottiger. Le coach de l’époque m’avait demandé de lui tirer les vers du nez. Il avait l’impression que quelque chose clochait chez lui. Effectivement, après avoir tiré en longueur la séance, il m’a craché le morceau: il avait des soucis familiaux.» Le masseur fait la commission à l’entraîneur. Problème: les conséquences sont immédiates. «Le dimanche, Hottiger n’a pas été retenu pour jouer. Il m’a reproché de l’avoir pris pour un idiot. À partir de là, j’ai compris. Plus question de jouer les intermédiaires. Que chacun se débrouille.»
«Le plus fantastique des entraîneurs, c'était Trossero!»Clément Bohnet
Parmi les nombreuses personnes qu’il a côtoyé au sein du club, Clément Bohnet reconnaît avoir été marqué par l’une en particulier. «Enzo Trossero. C’était le plus fantastique des entraîneurs!» Les deux hommes sont devenus amis. Ils ont passé le Nouvel-An ensemble. «Je me souviens d’un moment en particulier: le jour de la finale en 1991. Je fêtais mon anniversaire à cette même date. Le matin du match, Trossero me demande. Je le rejoins dans une salle et là, je me retrouve face à un tas de journalistes. Il voulait que ce soit moi qui leur dévoile la composition d’équipe pour affronter YB. J’ai été pris par surprise et je me suis mis à trembler tellement j’étais gêné.»
Le tour du terrain à la pause
Gêné, il l’était beaucoup moins quelques heures plus tard. À la mi-temps de la 6ème finale de Coupe de son histoire, le FC Sion est alors mené 2-0 par YB devant les plus de 50'000 spectateurs du Wankdorf. «Alors là, je me suis donné à mort! De toute manière, on n’avait plus rien à perdre. J’ai pris deux fumigènes et j’ai fait le tour du terrain. Tu aurais vu les cris de ce public, de tous ces Valaisans. Et la suite de l’histoire, on la connaît.» Deux buts de David Orlando, un autre d’Alexandre Rey et les Sédunois signaient l’un des plus beaux succès de leur histoire. «Quant à moi, je me suis fait sortir du terrain comme un voyou. Sous garde policière.»
«J’ai acheté un porte-voix à plus de 1'000 francs! Mais je ne sais pas où il est passé ce machin.»Clément Bohnet
Clément Bohnet n’en était alors pas à son premier coup en tant que chauffeur d’ambiance. «La première fois, c’était face à Servette. On perdait 3-0 à la pause et au final, on a gagné 4-3. Tu aurais vu les Genevois: ils étaient fous!» Le plus souvent accompagné d’une écharpe et d’un drapeau, celui qui est devenu une sorte de mascotte du club n’avait pas hésité à mettre la main au portefeuille pour haranguer toujours plus la foule. «J’ai acheté un porte-voix à plus de 1'000 francs! Mais je ne sais pas où il est passé ce machin. Je l’ai perdu une fois qu’on est sortis en boîte avec mon copain Panchard pour fêter une victoire.»
Spécialement marqué par le titre de 1992 - «c’était la dernière année d’André Luisier à la présidence» - Clément Bohnet se rappelle aussi des émotions du doublé de 1997, il y a bientôt 25 ans. «J’avais foutu un drapeau valaisan sur les épaules d’Alberto Bigon (ndlr: l’entraîneur). Au début, il n’a pas apprécié. Mais quand il s’est rendu compte de ce que c’était, il m’a remercié. Il était en quelque sorte devenu Valaisan. C’était l’euphorie!»
Ses problèmes de santé se faisant plus réguliers, il a été contraint de dire «stop» en 2006, juste après la promotion et une nouvelle victoire en Coupe. Mais depuis, Clément Bohnet a tout fait pour rester le porte-bonheur de ce club qui lui tient tant à cœur. Qu’importe qu’il ne pouvait plus se déplacer au stade, c’est en ramoneur qu’il venait encourager l’équipe à son départ pour les grandes occasions. Aujourd’hui, il suit tous les matches à la télévision. Parfois, il les regarde plusieurs fois…même au milieu de la nuit. «Les dernières saisons m’ont fait souffrir. Je les ai mal vécues. Mais attention, à aucun moment je n’ai critiqué les joueurs. J’ai toujours continué à les encourager par des petits messages. Être derrière l’équipe quand ça va bien, c’est trop facile. Être supporter, c’est aussi être là quand ça ne tourne pas rond.»
Fidèle parmi les fidèles, le Martignerain a évidemment eu vent des récentes déclarations de Christian Constantin. Le président qui a affirmé son intention de se retirer d’ici quelques années. «Si ça arrive, je crains que le club ne soit racheté par une personne étrangère. Peut-être aussi qu’il y aura une réorganisation à l’interne. L’idéal, ce serait qu’un Valaisan devienne millionnaire. Qu’il ait la flamme et qu’il se dise «ça y est, j’y vais». Mais ce ne sera plus pareil. Il n’y a qu’un seul Christian.»
«Tous ces messages de personnes qui regrettent de ne plus me voir au stade, ça me touche.»Clément Bohnet
Un seul Christian Constantin mais aussi un seul Clément Bohnet. Ce dernier restera définitivement bien plus qu’un simple masseur dans le livre d’or du club sédunois. «Ne me dis pas que je suis une légende, c’est un peu fort», sourit-il plein d’humilité. «J’ai bien rigolé, j’ai fait rigoler le monde et voilà. Bien sûr que ça me touche de recevoir des messages de toutes ces personnes qui regrettent de ne plus me voir au stade. Mais qu’est-ce que tu veux? La santé, c’est la santé.»
Dimanche, le FC Sion débutera le 2ème tour en accueillant GC dès 16h30 à Tourbillon. Peu importe le résultat, une chose est sûre: Clément Bohnet sera là, sur son canapé, prêt à pousser les Valaisans. Les années passent, pas son amour pour ce club qui lui a tant apporté et à qui il a tant donné.