Vincent Praplan : "J'aimerais porter un jour le maillot du HC Sierre"
Un mois après avoir vu sa saison prendre fin sans même avoir eu le droit de disputer les playoffs, Vincent Praplan se confie. L'attaquant sierrois évoque l'exercice mitigé vécu par Genève-Servette, sa vie épanouie au bout du lac, mais aussi le présent et l'avenir du hockey valaisan.
Il y a douze mois, Vincent Praplan s'apprêtait à écrire la plus belle page de son histoire de hockeyeur professionnel. Dès sa première saison sous le maillot de Genève-Servette, le Sierrois allait devenir l'un des artisans du tout premier sacre des Aigles au terme d'une finale mémorable face à Bienne. Aujourd'hui, c'est devant sa TV qu'il assiste au duel que se livrent les lions zurichois et lausannois pour accéder au trône de champion. Dans la foulée du titre européen remporté fin février, les Genevois ont été éliminés de la course à leur propre succession avant même le début des séries finales. Un bon mois après cette fin d'exercice prématurée vécue - à nouveau - contre Bienne, le Valaisan nous a accordé un long entretien.
Vincent Praplan, on imagine que vous auriez préféré être sur la glace pour y disputer une finale plutôt que face à notre micro en ce moment…
C'est sûr, je ne vais pas vous le cacher. On a vécu une saison en demi-teinte. Il y a eu de bons et de moins bons moments, mais c'est certain que c'est frustrant de voir les autres équipes continuer à jouer alors que de notre côté, nous avons déjà débuté la préparation physique en vue de l'hiver prochain. Malheureusement, la vie est ainsi faite. Les échecs font partie du jeu.
Le titre de champion d'Europe obtenu fin février a-t-il permis d'atténuer la déception de cette fin de saison précoce?
Non, clairement pas. Évidemment que nous avons vécu un moment très spécial avec ce sacre européen. Être sur le toit de l'Europe avec Genève est quelque chose de fort, mais pour moi, le championnat suisse est bien plus prestigieux que cette Champions Hockey League.
Avec du recul, cette épopée européenne vous a-t-elle pris trop d'énergie?
Je pense que oui. Nous avons quand même disputé quatorze ou quinze matches de plus que les autres équipes sur l'ensemble de la saison régulière. Alors que la plupart des clubs tournaient au rythme de deux matches par semaine en moyenne, nous avons vécu tout l'hiver avec trois rencontres au programme en sept jours. Mentalement et physiquement, cela a été difficile. Ce d'autant que nous avons connu notre lot de blessures. En allant jusqu'au 7ème match de la finale l'an dernier et en reprenant très vite avec la Champions Hockey League durant l'été, nous avons pratiquement disputé deux saisons sans pause. Cela s'est ressenti sur la fin de cet exercice.
Indépendamment des hauts et des bas rencontrés ces derniers mois, on a l'impression que sur le plan personnel, vous avez vécu une forme de renaissance depuis votre arrivée à Genève il y a deux ans…
C'est le cas. Pas seulement une renaissance sportive mais également une renaissance humaine. Je sortais d'une période très compliquée à Berne et si j'ai pu tourner la page, c'est grâce à l'environnement que j'ai trouvé à Genève. Honnêtement, en grandissant en Valais, je n'aurais jamais pensé porter ce maillot un jour. On connaît la rivalité qui existe entre les deux cantons et je l'entretiens moi-même en expliquant à tout le monde que le vin valaisan est bien meilleur que le vin genevois (rires). Plus sérieusement, j'ai découvert à Genève une ville et des gens incroyables. Le club est fantastique, très familial. Que ce soit entre les joueurs, avec le staff ou les dirigeants, nous sommes tous très proches. Je me sens chez moi aux Vernets. J'éprouve le même plaisir à chaque fois que j'entre dans le vestiaire et que je retrouve les gars. Nous sommes une vraie bande de potes qui passe beaucoup de temps ensemble, y compris en dehors de la glace. Nous avons été récompensés par deux trophées en deux ans, espérons que cela continue et qu'on aille en chercher d'autres.
Ces deux trophées justement, celui de champion suisse l'an dernier et celui de champion d'Europe ce printemps, qu'est-ce qu'ils représentent dans votre carrière?
Disons que pour tout sportif, gagner des trophées est l'objectif principal, au-delà de prendre du plaisir avec les copains. À titre personnel, je me retrouve aujourd'hui avec deux Coupes de Suisse, un titre de champion et une Champions Hockey League. Ce palmarès qui s'agrandit est une récompense pour tous les efforts consentis lorsque j'étais plus jeune. C'est une récompense aussi pour ma famille et tous mes proches qui m'ont toujours soutenu. Je pense notamment à ma maman qui jugeait souvent qu'il faisait trop froid pour elle dans une patinoire, mais qui suit quand même tous mes matches, que ce soit devant sa TV ou en tribunes. Mon frère et ma sœur ont toujours été là pour moi également, sans oublier mon beau-père qui m'a conduit aux quatre coins de la Suisse pour me permettre de vivre ma passion. Ces deux trophées gagnés avec Genève sont pour eux avant tout. C'est une manière de leur dire merci.
Parlons de cette notion de "plaisir" que vous avez évoqué. Accordez-vous aujourd'hui encore plus d'importance à celle-ci après les différentes étapes qui ont jalonné votre carrière et même votre vie?
Oui, absolument. Je ne veux plus revenir sur ce que j'ai vécu à Berne, mais je n'étais tout simplement pas moi-même là-bas. Aujourd'hui, je veux vraiment profiter un maximum de tout ce que je vis. Je vais bientôt avoir 30 ans et même si j'ai encore quelques belles années devant moi, je sais que je suis entré dans la 2ème moitié de ma carrière. Il faut être capable de relativiser certaines choses et d'apprécier le fait qu'on a la chance d'avoir une vie assez incroyable.
Comment gère-t-on l'équilibre entre la pression inhérente aux résultats et ce plaisir de pratiquer ce qui reste un jeu?
Je pense que l'entourage est primordial à ce niveau-là. Encore une fois, si j'en suis arrivé où je suis aujourd'hui, je le dois à toutes ces personnes qui m'ont toujours soutenu. Il est facile de perdre pied lorsque les victoires s'enchaînent ou qu'on remporte un titre. On peut vite se dire qu'on a moins besoin de travailler, se mettre à faire la fête ou dépenser notre argent inutilement. Avoir ma famille et mes amis proches à mes côtés m'aide à garder les pieds sur terre. Pour moi, le hockey n'a jamais vraiment été une source de pression. C'est ma passion depuis que je suis tout petit. C'est la chose que je sais faire de mieux et même à 30 ans, j'essaie de garder en moi l'âme d'enfant qui m'animait lorsque j'ai fait mes premiers pas sur une glace. C'est vraiment ça qui me permet de garder le plaisir de jouer et de faire en sorte d'être imperméable aux critiques suscitées par l'une ou l'autre de mes prestations.
Vous avez un discours très mature. Auriez-vous eu les mêmes mots si nous avions réalisé cet interview il y a cinq ans?
Franchement? Je ne pense pas. Mon discours n'aurait en tout cas pas été aussi complet. Toutes les expériences, bonnes ou moins bonnes, que j'ai vécu ces dernières années m'ont fait énormément grandir. Je prends désormais les choses avec beaucoup plus de recul que lorsque j'étais plus jeune. Même si je reviendrais volontiers cinq ans en arrière pour avoir une carrière plus longue devant moi, je me plais désormais dans ce rôle de joueur d'expérience au sein du vestiaire. Être là pour aider les jeunes est quelque chose de très sympa à vivre.
Parlons justement de cette thématique des jeunes. Pensez-vous que l'on accorde toujours suffisamment de place à ces derniers alors que la National League mise de plus en plus sur les étrangers pour accroître son niveau?
C'est dur à dire, car d'un côté, cette situation a du bon. Elle te force à travailler toujours plus pour montrer que tu as le niveau pour jouer dans cette ligue. En revanche, c'est clair que pour un jeune de 17-18 ans, recevoir sa chance peut être compliqué lorsque tu as pratiquement deux lignes complètes remplies de joueurs étrangers et plusieurs cadres qui évoluent dans ce championnat depuis une dizaine d'années. Je ne vous cache pas craindre qu'on se retrouve en pénurie de jeunes joueurs suisses de talent d'ici trois à cinq ans. Peut-être qu'en se rendant compte que le développement des espoirs n'est plus suffisant, redescendre à quatre étrangers par équipe deviendra un thème.
Cela nous conduit à un autre sujet : quel regard dressez-vous sur la Swiss League, ce championnat qui se cherche encore et toujours une identité et un avenir?
C'est difficile de se faire une idée de ce que vaut concrètement cette ligue en voyant des équipes monter pour redescendre presque immédiatement. Chaque année ou presque, un club fait faillite ou demande sa relégation administrative. Je pense que ce championnat manque de ressources financières. C'est difficile pour les clubs de verser des salaires décents et du coup, c'est compliqué pour les joueurs de tout miser sur le hockey. Peut-être que le salut de la Swiss League passera par un rôle clair de ligue formatrice. Mais à ce niveau encore, il faut que les ressources soient suffisantes.
Quid du hockey valaisan qui va à nouveau se retrouver avec deux clubs "seulement", Viège et Sierre, dans ce championnat?
Écoutez, dès le moment où Martigny a été promu l'an dernier, j'ai eu des doutes quant à la pérennité de cette situation. Le Valais est une terre de hockey, mais malheureusement, il n'a pratiquement jamais été possible de faire coexister les trois clubs dans une même ligue. J'ai l'impression qu'on ne se débarrassera jamais de cet esprit de clocher pour former une seule grosse équipe susceptible de performer au plus haut niveau. L'arrivée de Chris McSorley aux commandes du HC Sierre ne peut qu'être bénéfique. J'espère vraiment que la nouvelle patinoire verra le jour et que le club pourra monter en National League.
Et si Chris McSorley était justement la personne capable d'unifier le canton sous une même bannière?
Je ne sais pas s'il parviendra à réunir tout le monde, mais en tout cas, je suis convaincu que c'était l'élément qui manquait au HC Sierre pour mener à bien son projet de développement. Même si des conflits existent entre les deux parties, si Genève-Servette en est là où il est aujourd'hui, c'est en grande partie grâce à Chris McSorley et tout le monde en est bien conscient. J'espère qu'il sera capable de faire aussi bien à Sierre.
Et vous? Serait-il capable de vous faire rentrer au bercail?
(Il sourit) Je vais vous dire la vérité, j'ai croisé Chris il y a un mois ou deux et on a abordé le sujet sur le ton de la rigolade. Même si j'espère encore avoir quelques belles années devant moi en National League, je ne ferme pas la porte à revenir à Sierre un jour et à, pourquoi pas, aider le club à faire le saut dans l'élite. Ce qui est certain, c'est que plus les années passent, plus je peux m'imaginer rentrer en Valais. J'avais quinze ans lorsque je suis parti à Zurich et étant plus jeune, le Valais et la vie qu'on peut y avoir ne m'intéressaient pas franchement. Avec le temps, mon opinion a changé. J'apprécie de plus en plus revenir dans ce canton, retrouver ma famille et partir me balader en montagne. J'aimerais quand même bien porter un jour ce maillot rouge et jaune du HC Sierre. On en a d'ailleurs déjà parlé à plusieurs reprises avec Arnaud Jacquemet (ndlr: son coéquipier valaisan à Genève). On verra bien ce que l'avenir nous réserve, mais encore une fois, la porte est ouverte de mon côté.
Aucun contact avec Patrick Fischer et l'équipe de Suisse
Si la saison de Genève-Servette a pris fin de manière abrupte, celle de Vincent Praplan aurait pu se poursuivre si le sélectionneur de l'équipe de Suisse avait pensé à lui en vue des championnats du Monde prévus le mois prochain à Prague et Ostrava. Malheureusement pour lui, le Sierrois n'a pas trouvé grâce aux yeux de Patrick Fischer. Tout en affirmant son amour pour le maillot rouge à croix blanche, l'attaquant évoque sa situation actuelle avec l'équipe nationale.